Retour aux articles

Des conséquences du non-respect de l'obligation de scolarité

Civil - Personnes et famille/patrimoine
11/01/2019
La privation partielle de l’autorité parentale et le retrait des enfants du foyer familial après le refus des parents de les envoyer à l’école n’emportent pas violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Un couple allemand ayant refusé d’inscrire leur fille aînée à l’école, s’est vu infliger des amendes administratives et a fait l’objet de procédures pénales pour manquement aux règles sur la scolarité obligatoire. Les parents payèrent les amendes mais n’envoyèrent pas leur fille à l’école. Les autorités scolaires, soutenues dans leur démarche par les services de la jeunesse, informèrent le tribunal des affaires familiales que les requérants refusaient délibérément et obstinément d’envoyer leurs enfants à l’école, ce qui était selon elles contraire à l’intérêt supérieur des enfants puisque ceux-ci grandissaient à leurs yeux dans un « monde parallèle ». Le tribunal des affaires familiales priva alors les parents du droit de décider du lieu de résidence de leurs enfants ainsi que du droit de prendre des décisions sur les questions de scolarité et transféra ces droits aux services de la jeunesse. Il ordonna également aux parents de confier leurs enfants aux services de la jeunesse afin que ceux-ci fassent appliquer les règles sur la scolarité obligatoire. Le tribunal conclut en particulier que le refus par les parents d’envoyer leurs enfants à l’école empêchait ces derniers de devenir des membres à part entière de la communauté et d’acquérir des compétences sociales telles que la tolérance. La cour d’appel rejeta ensuite l’appel des parents, considérant que l’intérêt supérieur des enfants était concrètement menacé puisque l’on ne pouvait pas considérer que l’instruction que ceux-ci recevaient de leurs parents pouvait compenser le fait qu’ils n’étaient pas scolarisés. En octobre 2014, la Cour constitutionnelle fédérale refusa d’examiner le recours des parents. Les enfants leurs furent alors retirés et placés dans un foyer d’accueil pendant trois semaines entre août et septembre 2013. Ils fréquentèrent l’école entre 2013 et 2014. En juin 2014, les parents retirèrent une nouvelle fois leurs enfants de l’école. Deux mois plus tard, dans le cadre d’une procédure parallèle, la cour d’appel restitua aux parents le droit de décider du lieu de résidence de leurs enfants, notant en particulier que l’évaluation des acquis scolaires avait montré que le niveau d’instruction des enfants n’était pas alarmant et que, contrairement à ce qui avait été observé en août 2013, on pouvait désormais exclure le risque que le père portât atteinte à leur intégrité physique. La cour d’appel souligna toutefois que cette décision ne devait pas être comprise comme l’autorisation d’instruire les enfants à la maison.

Devant la Cour européenne, les parents reprochent aux autorités allemandes de les avoir privés de certains droits relevant de l’autorité parentale en transférant ces droits aux services de la jeunesse. Ils se plaignent en particulier de l’éloignement forcé des enfants du domicile familial et du placement de ceux-ci dans un foyer d’accueil pendant trois semaines.

La Cour à l’unanimité, juge qu’il n’y a pas en l’espèce violation de l’article 8 (droits au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle estime que l’application de l’obligation de scolarité aux fins de l’intégration des enfants dans la société constituait un motif pertinent justifiant la privation partielle de l’autorité parentale. La Cour juge aussi que les autorités ont raisonnablement estimé que les enfants vivaient dans l’isolement, qu’ils n’avaient aucun contact en dehors de leur famille et qu’il existait un risque d’atteinte à leur intégrité physique. Elle considère que le retrait des enfants du foyer familial n’a pas en lui-même duré plus que ce qui était nécessaire pour protéger l’intérêt supérieur des enfants. La Cour conclut qu’il existait des « motifs pertinents et suffisants » de priver les parents de certains aspects de leur autorité parentale et d’éloigner temporairement les enfants du foyer familial.
 
Source : Actualités du droit