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Biens sans maître : une commune peut s’approprier un terrain après 30 ans d’abandon

Civil - Bien et patrimoine
03/07/2025

Lorsqu’aucun héritier ne se manifeste dans un délai de trente ans suivant l’ouverture d’une succession, les biens en déshérence peuvent être considérés comme des biens sans maître. Conformément à l’article L. 1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), ils peuvent alors être incorporés au domaine privé de la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés.

C’est dans ce cadre qu’une commune a pu légalement s’approprier trois parcelles appartenant à une défunte décédée en 1986. Malgré l’existence d’enfants, aucun d’eux n’avait accepté la succession de manière expresse ou tacite dans le délai imparti. En 2016, la commune a donc adopté une délibération autorisant le maire à constater l’appropriation des biens. L’une des filles de la défunte a tenté de contester cette décision en justice, mais la Cour de cassation a confirmé l’appropriation par la commune, en rejetant le pourvoi.

Acceptation de succession : une preuve stricte exigée

La décision met en lumière l’exigence d’une preuve claire de l’acceptation de la succession. En effet, l’acceptation tacite ne peut être déduite que d’actes révélant sans ambiguïté la volonté d’accepter en qualité d’héritier (C. civ. art. 782). Des actes purement conservatoires, comme le paiement d’une taxe foncière, ne suffisent pas. Dans l’affaire commentée, aucun acte probant d’immixtion dans la succession n’avait été établi, et aucun dossier successoral n’avait été ouvert.

En l’absence d’héritier, et après expiration du délai, la commune a donc pu valablement revendiquer la propriété des parcelles. La Cour a rappelé que cela ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, en raison de l’utilité publique poursuivie.

Une législation en évolution : vers des délais plus courts

Il convient de noter que la législation a évolué. Depuis la loi du 21 février 2022, le délai de 30 ans prévu par le CGPPP peut être réduit à 10 ans dans certaines zones spécifiques telles que les grandes opérations d’urbanisme (GOU), les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou encore les zones France ruralités revitalisation (ZFRR).

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2007, le délai d’option successorale a également été réduit à 10 ans (C. civ. art. 780), ce qui interroge sur l’harmonisation entre le droit civil des successions et le droit public de l’appropriation des biens vacants.

Une vigilance accrue des praticiens est donc nécessaire pour éviter des contentieux liés à l’appropriation des biens délaissés. Le respect des délais et des formes d’acceptation successorale reste une condition essentielle à la protection des droits des héritiers potentiels.