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Réforme du Code du travail : le gouvernement dévoile ses ordonnances

Social - Contrat de travail et relations individuelles, Formation, emploi et restructurations, IRP et relations collectives
31/08/2017
La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et le Premier ministre, Edouard Philippe, ont dévoilé ce jeudi 31 août les ordonnances relatives à la réforme du Code du Travail. Des dispositions surtout fléchées vers les TPE et les PME.
 
Fin du suspense ! Après une réunion plénière matinale avec les partenaires sociaux, l'exécutif a présenté devant la presse ses cinq projets d'ordonnances réformant le droit du travail. Celles-ci seront, à compter du 4 septembre, présentées aux différentes instances paritaires nationales (Conseil national de l'emploi et la formation et de l'orientation professionnelles, Commission nationale de la négociation collective, Conseil supérieur de la prud'homie, Conseil d'orientation des conditions de travail), avant d'être adoptées en Conseil des ministres le 20 septembre, puis publiées au Journal officiel dans la foulée.
Aussi, après la loi d'habilitation (soumise au Conseil constitutionnel), le gouvernement devra déposer un projet de loi de ratification dans les trois mois qui suivent la publication des ordonnances. Texte qui devra être soumis au Conseil d'Etat. « Le texte peut être modifié, mais s'il est modifié, ça ne peut être qu'à la marge et en fonction des avis qui sont donnés par les instances régulièrement consultables », a déclaré le chef du gouvernement.
 
« Une réforme ambitieuse »
 
Lequel a vanté une « une réforme ambitieuse, équilibrée et juste ». Après « des décennies de chômage de masse », « personne aujourd'hui ne peut sérieusement soutenir que notre droit, et notre droit du travail en particulier, favorise aujourd'hui l'embauche », ni qu'il « protège efficacement et qu'il aide au développement efficace, durable des entreprises », a déclaré Edouard Philippe. Les cinq ordonnances se proposent donc « de rattraper les années perdues, les années de rendez-vous manqués, peut-être mal négociés, peut-être mal expliqués, peut-être mal compris, mais toujours repoussés ou affadis ».
 
Priorité aux TPE et PME
 
De fait, cette nouvelle réforme du Code du travail veut surtout donner la priorité aux TPE et PME. A écouter les réactions très positives de la CPME et de l'Union des entreprises de proximité (U2P), qui rassemble artisans, commerçants et professions libérales, l'objectif gouvernemental est déjà en passe d'être atteint.
Ainsi, en matière dialogue social, lorsqu’il n’y a pas de délégué syndical dans l’entreprise (96 % des PME), le représentant du personnel, élu par les salariés, pourra conclure un accord collectif sur tous les sujets. « Toutes les entreprises de notre pays qui ont des salariés, quel que soit leur nombre, auront un accès direct et simple à la négociation, qui est au cœur de notre projet », indique le ministère du travail. De plus, dans les TPE de moins de 20 salariés, le chef d'entreprise pourra négocier directement avec un employé non élu et non mandaté par un syndicat.
De même, jusqu'à 11 salariés, l'employeur pourra soumettre à référendum un projet d'accord sur l'ensemble des thèmes ouverts à la négociation d'entreprise. Pour être validé, l'accord devra être approuvé par les deux tiers du personnel. Cette possibilité est également offerte aux entreprises de 11 à 20 salariés sans élus du personnel. Toujours en direction des TE-PME, les accords de branche devront contenir des dispositions spécifiques à leur ADN.
 
Barème des indemnités prud'homales
 
Pour rassurer les entreprises, et surtout les plus petites d'entre elles, le gouvernement instaure comme prévu un barème des indemnités prud'homales. Le plafond de dommages et intérêts sera fixé à un mois de salaire en-dessous d'un an d'ancienneté. Il augmente d'un mois par année jusqu'à 10 ans, puis d'un demi-mois par année. Il ne pourra dépasser 20 mois au-delà de 28 ans d'ancienneté.
Pour les TPE (moins de 11 salariés), le plancher minimum sera fixé à 15 jours à partir d'un an d'ancienneté. Il augmentera progressivement, pour atteindre deux mois et demi à partir de neuf ans d'ancienneté. Dans les autres entreprises, le plancher sera fixé à un mois à partir d'un an d'ancienneté, puis à trois mois à partir de deux ans d'ancienneté. Dans les cas relevant de la discrimination, du harcèlement ou portant atteinte aux libertés fondamentales du salarié, le juge pourra décider librement de la sanction qui s’impose. Dans ce cas, l'indemnité ne pourra être inférieure à six mois de salaire.

Indemnités légales de licenciement
 
En contrepartie, les indemnités légales de licenciement sont, elles, augmentées de 25%. « Concrètement, précise le gouvernement, un salarié qui gagnait en moyenne 2000 € par mois, licencié après 10 années d’ancienneté, verra son indemnité légale passer de 4 000 € à 5 000 €. » En cas de vice de forme lors d'un licenciement, la sanction ne peut excéder un mois de dommages et intérêts. Pour éviter les erreurs de procédure, les employeurs et salariés auront accès à un formulaire-type indiquant les droits et devoirs de chaque partie lors d'un licenciement. « Voir le licenciement contesté uniquement parce qu’il n’a pas correctement rédigé les documents, c’est ajouter de la complexité qui, loin de protéger le salarié, peut parfois mettre en danger l’entreprise elle-même, quand elle n’a que quelques salariés et une faible trésorerie. Le formulaire-type rappellera les droits et obligations de chaque partie », indique le ministère du Travail.
 
Ruptures conventionnelles collectives
 
Comme annoncé, le gouvernement entend faciliter les plans de départs volontaires via un nouveau dispositif de ruptures conventionnelles collectives, qui sera calqué sur la rupture à l’amiable mise en place en 2008. Avec le succès que l’on sait…
Un accord collectif devra « déterminer le contenu d’un plan de départs volontaires excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois ». Le texte déterminera notamment « le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées et la durée de mise en œuvre du plan ; les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ; les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ; les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié ». Doivent également y figurer les modalités de candidature au départ des salariés et des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents… L’accord majoritaire devra être transmis à l’autorité administrative pour validation. 
 
Comité social et économique
 
Autre marqueur de cette réforme : la simplification du nombres des instances représentatives du personnel. Le Comité social et économique (CSE) fusionnera, dans les entreprises de plus de 50 salariés, les fonctions actuelles des délégués du personnel, du comité d’entreprise, et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il en conservera la personnalité morale, ainsi que toutes les compétences et les prérogatives, y compris sur les aspects sécurité et conditions de travail, la capacité de demander des expertises, déclencher des enquêtes et faire des recours judiciaires si nécessaire. Une commission santé, sécurité et conditions de travail, de type CHSCT, subsistera dans les entreprises d'au moins 300 salariés. En-dessous de 300 salariés, l'inspection du travail pour imposer la création d'une telle commission si elle le juge nécessaire. Par accord majoritaire, il sera possible d'y fusionner les délégués syndicaux (DS), et donc la compétence de négociation. L'instance unique ainsi créée sera nommée "conseil d'entreprise".
En outre, la réforme prévoit de réguler les expertises via la mise en place d’une participation financière forfaitaire de 20 % du coût des expertises par le conseil social et économique sur les expertises ponctuelles (sauf expertise PSE et risques graves, qui restent pris en charge à 100% par l’employeur, comme aujourd’hui). En direction des élus du personnel, le gouvernement annonce notamment un accès à la formation professionnelle et au bilan de compétences renforcé pour concilier engagement syndical et évolution professionnelle.
 
Licenciements économiques
 
En matière de licenciements économiques, les difficultés des groupes qui licencient en France seront appréciées au niveau de leur secteur d'activité au territoire national, au lieu du périmètre monde. En outre, les salariés licenciés n'auront qu'un an pour saisir les prud'hommes. « Aujourd’hui une entreprise a l’obligation de présenter au salarié qu’elle licencie la totalité des offres d’emploi du groupe dans la totalité des pays, y compris les offres d’emploi inférieures au SMIC. C’est parfois complexe pour l’entreprise. Surtout, proposer des offres inférieures au SMIC euros dans un pays étranger, ce n’est pas protecteur pour le salarié licencié », avance le document gouvernemental qui évoque des « processus de reclassement simplifiés ».
L’ordonnance précise également la définition du secteur d’activité, « caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché ».
La réforme offre aussi la possibilité aux entreprises  d’anticiper et de s’adapter rapidement aux évolutions à la hausse ou à la baisse du marché par des accords majoritaires simplifiés sur le temps de travail, la rémunération et la mobilité. Les entreprises pourront, par accord majoritaire, négocier les primes, qui sont aujourd'hui du domaine de la branche professionnelle.
 
CDD et "CDI de chantier"
 
Les branches professionnelles pourront notamment modifier par accord la durée, le nombre de renouvellements et la période de carence des CDD, aujourd'hui fixés uniquement par la loi. Elles pourront aussi, par accord, autoriser le recours au CDI de chantier, contrat aujourd'hui réservé au secteur du BTP.
 
Accord majoritaire et référendum
 
La règle de l'accord majoritaire (signé par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés) dans les entreprises sera généralisée dès le 1er mai 2018, au lieu du 1er septembre 2019, date prévue dans la loi El Khomri.
Nouvelle donne aussi en matière de référendum d'entreprise. Actuellement, lorsqu’un accord est signé par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections professionnelles, l’une ou plusieurs des organisations signataires disposent d’un délai d’un mois pour demander la consultation des salariés afin de valider l’accord. Demain, à l’issue de ce délai, c’est l’employeur qui pourra demander l’organisation du référendum, « en l’absence d’opposition de l’ensemble des organisations ».
 
Primauté de l'accord collectif sur le contrat
 
Les salariés licenciés pour avoir refusé l'application de certains types d'accords (réduction du temps de travail, maintien de l'emploi, préservation et développement de l'emploi...) bénéficieront d'un abondement de 100 heures de formation financées par l'employeur sur leur compte personnel de formation (CPF). Quel que soit le type d'accord refusé, le licenciement suivra les modalités des licenciements individuels pour motif économique.
 
Enfin, les ordonnances prévoient un droit au télétravail « sécurisé, souple, permettant une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle ». « Aujourd’hui 2 salariés sur 3 souhaitent pouvoir travailler de chez eux. Mais le cadre juridique ne permet pas de répondre à cette aspiration de façon sécurisée : 17 % des salariés télétravaillent, parfois de manière informelle, sans être couverts juridiquement. Désormais, pour les salariés qui télétravaillent, c’est plus de sécurité avec, par exemple la prise en charge des accidents du travail dans les mêmes conditions que s’ils étaient dans les locaux de leur employeur. »
Source : Actualités du droit